Bruxelles : trois communes ouvrent la porte à l’encadrement du « coliving »

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June 29, 2021

Bruxelles : trois communes ouvrent la porte à l’encadrement du « coliving »

Le « coliving » ou « cohousing » est en plein essor dans la capitale, à ne pas confondre avec la colocation qui n’est pas visée ici.

Ce secteur propose généralement, outre un espace commun, des chambres à louer assorties de nombreux services comme le ménage et la maintenance. Des sociétés privées transforment un bâti existant pour y proposer ces logements, petits, mais hauts de gamme, où le loyer commence à 700 € par mois pour une petite chambre.

© Cohabs

Il n’existe pas de réglementation particulière pour encadrer le coliving. « Avec les communes de Saint-Gilles et d’Ixelles, nous avons travaillé sur des recommandations pour encadrer le secteur » explique Ans Persoons (sp.a), échevine de l’Urbanisme à la Ville de Bruxelles.

Les sociétés de coliving acquièrent de grandes maisons unifamiliales, y installent un maximum de chambres et de salles de bain, en aménageant un grand espace commun avec une grande cuisine à partager.  Seules les structures internes sont modifiées, les concepteurs estiment donc qu’un permis n’est pas nécessaire, arguant qu’il n’y a pas de changement d’affectation.

Contrairement à ce qui se fait dans la colocation classique, le coliving travaille avec des baux individuels de trois mois à un an, même s’il y a 15 ou 20 occupants.  On peut alors considérer qu’il s’agit plutôt d’un logement collectif, comme un appart-hôtel, mais sans le permis et sans les taxes…

La plus-value financière est évidemment rapide et conséquente.

Concrètement, si une société développe plus de cinq chambres, les communes souhaitent qu’une demande de permis soit introduite. Elles estiment en effet qu’il y a changement de destination et d’utilisation du bien.

« Prétendre que quinze personnes vivant dans un même immeuble, dans quinze chambres différentes, c’est une simple colocation d’une maison unifamiliale, c’est se moquer du monde. Il s’agit bien d’un logement collectif. Et à ce titre, un permis d’urbanisme est requis pour le changement de destination » estime Yves Rouyet (Ecolo), échevin de l’Urbanisme à Ixelles, commune qui compte 45 immeubles (425 chambres) dédiés au « coliving ». Une attention particulière sera aussi de mise pour la taille des chambres (minimum 14 m²), celle des communs (minimum 10 m² par chambre) et leur localisation. « Hors de question de mettre des chambres dans les caves ou d’oublier les locaux pour les vélos ».

Plus préoccupant, la sécurité : on part d’une maison unifamiliale de cinq chambres et soudain il y en a 8, 10 ou 20.  Le SIAMU (Service d’Incendie et d’Aide Médicale Urgente) n’est pas au courant, puisqu’il n’y a pas eu de demande de permis d’urbanisme, avec tous les risques que cela représente en cas de problèmes.

Cela pose aussi des problèmes de nuisance sonore dans les quartiers. Les autorités reçoivent de plus en plus de plaintes d’habitants excédés par le bruit conséquent émis dans les coliving, à l’intérieur ou dans le jardin transformé en grande terrasse. Il est en effet difficile d’établir une relation de bon voisinage si les locataires changent régulièrement. L’acoustique entre d’anciennes maisons mitoyennes est problématique puisque le séjour accueille 15 personnes tous les soirs.

Habitat & Rénovation, association active pour le Droit au logement, émet ainsi quelques inquiétudes :

  • L’augmentation du prix et la raréfaction de ce type de biens que sont les maisons unifamiliales ;
  • La diminution du nombre de ménages pouvant s’établir durablement et à des prix raisonnables ;
  • Le devenir de ces habitations si la société de coliving quitte les lieux. En effet, les travaux nécessaires à la réaffectation en logement conventionnel seront énormes et énergivores, à charge du futur acquéreur ;
  • La disparition d’éléments patrimoniaux intérieurs remarquables (portes, moulures) ;
  • La perte de biodiversité que la transformation des jardins en terrasses occasionne.

Les acteurs du coliving proposent une autre façon d’habiter, et répondent à une certaine demande, en particulier de la part de jeunes travailleurs internationaux. Mais ils sont avant tout des sociétés privées cherchant à réaliser un profit. Ce n’est pas condamnable en soi, mais ce phénomène risque d’aggraver encore la crise du logement à Bruxelles.

Nous rappelons que le logement doit rester un droit, pas un marché… Le logement pour les gens, pas pour le profit !